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On est descendus du bus quelques minutes plus tard, rôtis comme des poulets. L’abeille me tournait toujours autour. Madame Pinsard a peut-être raison : elle s’est payé un voyage gratuit en bus pour rentrer chez elle ! Devant le portail, Monsieur Joseph, l’apiculteur, nous attendait. C’était un vieil homme qui ressemblait à un clochard avec un pantalon aux jambes trop larges et trop serré au niveau de sa bedaine. Il portait un drôle de chapeau d’où dépassaient quelques cheveux hirsutes. Il était marrant. À première vue, il avait l’air un peu bourru, mais quand on s’est approchés, un sourire est apparu quelque part dans sa barbe blanche.
— Bienvenusdans le rucher de Pollen’n, les enfants !
— C’est qui celle-là ? m’a chuchoté à l’oreille Gaspard.
Il n’avait pas parlé fort, mais assez pour que monsieur Joseph l’entende.
— Pollen’n est une abeille très spéciale qui va vous guider dans le monde magique de la ruche.
— Vous allez faire sortir une abeille de votre chapeau ? ai-je plaisanté.
Madame Pinsard a râlé et la leçon de morale a duré si longtemps que la petite voix discrète du monsieur s’est perdue dans les jacassements de la pie qui nous servait de professeur. Elle nous disait de bien noter tout ce que l’apiculteur allait raconter ; lui, de laisser tomber nos questionnaires inutiles. J’ai tout de suite apprécié, monsieur Joseph, et, pour une fois, j’ai obéi tout de suite.
— Laissez-vous guider par ma petite Pollen’n, nous a-t-il sorti en désignant quelque chose au-dessus de ma tête.
J’ai levé les yeux. Elle était encore là. Enfin, c’en était probablement une autre, mais l’abeille est venue encore se poser sur la visière de ma casquette. Elle y est restée quelques secondes, puis a repris son envol. Ce n’est pas facile à suivre ces bestioles alors monsieur Joseph a ouvert la marche. On est entrés dans un grand jardin, entouré d’arbres. On s’est dirigés vers une cabane dont on ne voyait pour le moment que le toit à cinq pentes. Bêtement, j’ai cherché des yeux notre guide ailé. Mais, les abeilles, ce n’est pas ce qui manquait dans ce jardin. Tout d’un coup, on a entendu des bourdonnements plus importants. Camille a commencé à sautiller sur place en criant qu’elle avait peur d’être attaquée. Les autres ont fait pareil. Alors monsieur Joseph s’est arrêté et nous a expliqué :
— Les abeilles ne sont pas agressives : elles n’attaquent que pour défendre les intérêts de la colonie.
— Comme de bons soldats ? est intervenu Gaspard.
— Exactement, mais c’est une armée de femelles qui défend son territoire et sa reine. Les mâles, qu’on appelle les faux bourdons, ne possèdent pas de dard…
Alors là, forcément, tout le monde a rigolé. Madame Pinsard a râlé… encore.
— Monsieur, c’est vrai que les abeilles meurent après avoir piqué ? a demandé Benjamin.
— Oui, contrairement à la guêpe, elle ne peut piquer qu’une fois.
— Pourquoi ? a demandé Chloé.
Monsieur Joseph a brandi son index recourbé et a pris une voix de pirate.
— Le dard de l’abeille ressemble à un harpon. Lorsqu’il s’enfonce dans la peau, les chairs se referment sur lui et les crochets du harpon l’empêchent ensuite d’en ressortir. Pour s’échapper, l’abeille doit abandonner une partie de son abdomen contenant la glande à venin. Éviscérée, elle est condamnée à mourir.
— Mieux que The Walking dead ! me suis-je exclamé.
— Tu l’as dit, petit ! Allons-y maintenant. Vous allez découvrir leur palais